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Un va libre

Un va libre

 

Paris. Octobre 2020.

Je suis prisonnier au fond du bus.

 

Prisonnier derrière l’étoffe qui incarcère mon visage me convoyant, comme les autres, vers l’anonymat un peu plus.

Prisonnier des pensées lugubres qui m’assaillent sous le joug de ce monde qui change et qui semble ne plus être mien.

Prisonnier enfin de ce temps qui avance inlassablement m’apportant, certes, sagesse et maturité mais m’éloignant peu à peu de la fougue du jeune con que j’ai pu être par le passé. Le rebelle n’est plus, il fait ce qu’on lui dit, soumis aux règles qui, pour la plupart,  lui paraissent absconses et castratrices.

 

« École Militaire ». Le chauffeur marque l’arrêt. Un garçon à peine passé dans l’adultie entre par l’avant, mire le machiniste dans les yeux et va s’asseoir tranquillement sans oblitérer. Je ne suis ni irrité, je serais mal placé pour émettre un jugement, ni admiratif ; mais quelque peu nostalgique d’un acte dont j’étais coutumier il y a longtemps.

 

« Vauban - Hôtel des Invalides ». Provocation du destin ? Je ne sais pas. Je cherche un échappatoire à mes tortures intestines, une issue, comme celle indiquée sur la vitre au paraître indestructible dans laquelle mon regard est piégé. Car invalide je me sens avec l’espoir secret d’être un jour à nouveau un « va libre ». Je shoote.



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Quelques volutes à travers à travers la bouche

Quelques volutes à travers la bouche

 

La Havane. Avril 2019.

Une douce cénesthésie me gagne enfin en foulant le sol de la capitale cubaine au gré d’une errance nocturne et digestive.

 

Mon coeur a cessé de s’agiter au rythme frénétique des orchestres de salsa disséminés un peu partout ici et bat un peu moins fort m’emmenant ainsi vers un état proche de l’hibernation psychologique.

 

Je croise l’ombre d’un gamin dans le contrejour d’un lampadaire à la lumière crue. Ce fantôme, trop jeune pour être seul à cette heure tardive, m’aurait tourmenté à l’accoutumée mais, fait étrange, son passage furtif à quelques pas de moi a pour effet de m’apaiser.

 

Dans sa main, le rouge incandescent d’un cigare attire mon regard. Je tire sur le mien par réflexe pensant créer un lien immatériel avec le spectre avant qu’il ne disparaisse à jamais. Mais je ne vais pas me mentir, ce môme ne humera jamais les délices du Ramon Allones Gigantes dont je me délecte. Trop cher.

 

Je m’étonne soudain. Un enfant avec un Havane aurait dû m’offusquer. Les quinze jours passés ici m'ont-ils fait perdre tous mes repères ? Je me rassure en me réfugiant dans l’idée préconçue qu’ici, tout le monde fume. Hommes. Femmes. Et petits garçons apparement... Après tout, le tabac fait partie intégrante de leur culture, non ? 

 

Et dans cette rue déserte empreinte de calme et de sérénité, ce sont les entrailles de la ville qui me donnent raison. Je me baisse, ébaubi, pour mieux admirer l’île qui, elle aussi, s’accorde une trêve vespérale en lâchant quelques volutes à travers la bouche de métal qui diapre le pavé. Je shoote !


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CarCam est un artiste représenté par la

16 rue Sainte Anastase

75003 PARIS

France

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